Le voilà ! Le deuxième épisode du podcast est arrivé !
Pour ce deuxième épisode nous vous emmenons au (Petit) Château de Conteville, en Normandie, dans le pays de Caux. Au bord de la mer entourée de falaise de craie blanche.
Eva, une des copropriétaires de ce château relativement récent, y raconte l'histoire du lieu, de la reprise par sa famille il y a une trentaine d'années, puis de sa reprise et de création de leurs activités depuis 2017. On y découvre les joies mais aussi toutes les embûches que cela a pu représenter.
Nous y parlons du livre “L’art de la simplicité” de Dominique Loreau qu’Eva présente comme un des ouvrages majeurs dans l’évolution de sa relation avec le château et sa famille.
Si vous voulez l’acheter, et que vous utilisez ce lien cela me fera très plaisir car me permettra de toucher une petite commission (je vous l'indique par souci de transparence).
Vous pouvez retrouver ce deuxième épisode sur le site de "La vie de château" sur la page dédiée, Apple Podcasts (n'hésitez pas à laisser une note 5 étoiles !), Spotify, Google Podcasts et Radio Public
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Le Petit Château de Conteville
Le célébère hêtre pluri centenaire du Petit Château de Conteville
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Retranscription
La vie de château - Introduction
Bonjour et bienvenue sur le deuxième épisode de la vie de Château. Je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui. Je vous présente Eva Gardin, une jeune copropriétaire du petit château de Conteville. Il est situé tout près de la mer, en Normandie, dans le pays de Caux. J'aurais pu faire de cet épisode le premier de mon podcast. Cela n'a pas été le cas. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'Eva m'a gentiment proposé de passer quelques jours au petit château en octobre. Pour que je m'imprègne vraiment de l'ambiance, du lieu et de l'histoire très personnelle qui va vous être présentée.
J'ai donc passé un peu plus longtemps que prévu pour réaliser cet épisode parce que je voulais vraiment que vous puissiez ressentir "sa" vie de château. Hé oui, elle ne l'envisage pas sans humilier sa marotte :la passion pour le yoga et le bien être qui lui vient d'un voyage en Asie du Sud-Est. Elle a repris la gestion du château en 2017. Ce n'était pas une tâche aisée, mais avec un enthousiasme inoxydable et une résilience face aux embûches, elle a su transformer l'adversité en autant d'opportunités. Écoutez, vous l'entendrez même sourire quand elle raconte ses aventures.
Elle vous recommandera aussi un livre qui a été important pour elle. Nous en reparlerons dans la conclusion de cet épisode. Enfin, avant de laisser la parole à Eva, je dirai juste que même face aux épreuves, elle vous montrera que certains événements bouleversants peuvent pourtant apporter de belles occasions. Je n'en dis pas plus pour ne pas vous gâcher les surprises et les nombreux rebondissements de son histoire. Je vous souhaite une belle écoute.
Eva Gardin - copropriétaire du Petit château de Conteville
Bienvenue au Petit Château de Conteville. Je m'appelle Eva et j'ai 30 ans, j'ai grandi en Normandie, sur la côte d'Albâtre, au Château de Conteville. J'ai fait mes études jusqu'au lycée ici. Je suis parti à 17 ans en pensant que je ne reviendrai plus jamais, je suis parti faire mes études à Lille, et en Thaïlande. Je voulais absolument aller ouvrir un centre de bien être là bas. Le destin a fait que je suis rentré en France. J'ai fini mes études en contrôle de gestion. J'ai bossé en hôtellerie, puis en finance et finalement, je suis revenue au château pour développer un projet ici.
Donc le petit château de Conteville est situé sur la Côte d'Albâtre, en Normandie. On est entre Etretat et Dieppe, avec ses grandes plages de galets et de falaises qui sont assez connues et qu'on trouve souvent sur les tableaux des impressionnistes et notamment de Monet. Pour comprendre l'histoire du château on peut s'intéresser un peu à l'histoire du pays de Caux et de la Côte d'Albâtre. Ces paysages entre la mer et les vallées de maraichers.
Le château, si on prend les dates principales, je pense qu'on aurait quelque chose aux alentours de 1600, qui n'est pas du tout le château, mais le hêtre pluri centenaire qui trône au milieu du parc du Château. Après 1850, on a les premiers plans des dessins du château. On pense que le château, il a dû être construit aux alentours de 1870/1880. On pense aussi que c'était plutôt une maison de maître. Plus qu'un château. C'est encore des Normands qui l'ont construit, c'étaient des drapiers, ils fabriquaient des draps dans des grandes usines à 50 km d'ici, à Elbeuf. C'était une époque où la laine de mouton arrivait par les ports du Havre.
Et du coup on avait des grosses filatures, enfin c'était plutôt des draperies. Et les propriétaires du château, enfin ceux qui ont fait construire, avaient un petit relais de chasse à Paluel et ils ont décidé de racheter tout le domaine autour, de faire construire une ferme et de faire construire cette grosse maison de maître. Le château est resté dans la même famille jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, à un moment où l'armée allemande a pris le domaine et est venu s'y installer. Il y a des anecdotes, je ne sais pas si on peut considérer qu'elles sont drôles, mais assez marquantes sur le fait que les Allemands ont gentiment demandé aux propriétaires de les mettre tous les meubles de valeur à l'abri dans une même pièce.
Et bien sûr, c'est les premiers meubles qui ont été pillés.
Je crois que cette histoire reste un peu floue, mais que le château, en fait, n'a jamais vraiment été habitée par les propriétaires. Après la Seconde Guerre mondiale et après la guerre, ils avaient installé tout le confort nécessaire dans la maison à côté, dans l'ancien relais de chasse. Ils n'ont pas voulu revenir ici.
Il a été abandonné pendant plusieurs années et c'est devenu une colonie de vacances. Et ça, c'est aussi un trait caractéristique de nombreux châteaux en Normandie, d'avoir été transformé dans les années 60/70 en colonie. Et moi qui vit ici, je pense que l'on ressent encore aujourd'hui que ce lieu a accueilli plein d'enfants. Et nous, ça nous a vachement influencé dans la façon dont on a développé le domaine par la suite. En 1980, le château a été abandonné par la colonie de vacances. Je pense qu'à cette époque, on commençait à surgir toutes les normes de sécurité et la réglementation est un peu lourde pour les ERP. Ce qui faisait que les travaux étaient trop complexes et trop importants pour maintenir une rentabilité sur ces lieux.
J'ai découvert par la venue d'une cliente dans une retraite de yoga que lorsque le château avait été abandonné, il était quand même plus ou moins squatté par des gens assez bienveillants qui étaient des compagnons du devoir qui venaient passer tous leurs week-ends ici dans le château, même en hiver, qui n'était pas chauffé pour restaurer les stucs, les couloirs, les chambres du château ... Même si l'histoire du Château est assez récente, c'est assez génial parce que t'as en permanence des gens qui viennent et qui te raconte son histoire.
Cette femme qui m'a expliqué, les larmes aux yeux, qu'elle avait passé pas mal de week-ends ici avec des compagnons de devoir, m'a finalement avoué que c'est aussi là qu'elle avait rencontré son mari. C'est assez fort de vivre dans un lieu dans lequel tu sais qu'il y a des dizaines, voire des centaines de personnes qui ont aussi forgé une partie de leur histoire à l'intérieur.
En 1990, je suis née et mes parents, qui étaient consultants en stratégie à Paris à cette époque là, décide de trouver un endroit à deux heures de Paris pour faire venir leurs chefs d'entreprises et les amener à réfléchir à une nouvelle stratégie dans un lieu coupé du monde. En tout cas, en dehors de leur quotidien. C'est comme ça qu'ils découvrent le petit château de Conteville.
1990 : ils l'achètent. Je pense qu'à cette époque, le château est dans un état pas possible. D'ailleurs, enfin, je n'étais pas au courant qu'il était dans cet état là. C'est aussi l'élève de yoga qui nous en a parlé et je me suis dit que mes parents avaient vraiment du être complètement fous d'acheter un truc dans un pareil état. Il n'y avait pas de chauffage, la moitié des fenêtres étaient cassées, il n'y avait pas d'isolation ... Et donc mes parents, à la base, l'achètent pour en faire un centre de séminaire.
Et finalement, je pense que j'avais deux ou trois ans, j'avais déjà un grand frère et une petite sœur à cette époque là, ... mes parents décident que finalement, on va tous venir vivre ici parce que c'était plus sympa de faire grandir tous les enfants à la campagne que dans un appartement à Paris. Donc, je pense que c'est 1993. Le château de Conteville devient notre maison de famille.
En 1995, on est en décembre, mes parents organisent un dîner avec leurs amis au rez-de-chaussée du château, enfin le rez-de-jardin, et nous, on est dans les chambres au troisième étage. Je me lève, et je vois de la fumée partout. Je vais réveiller mon frère en panique et il court, descendre, chercher les parents. Le toit du château est en train de prendre complètement feu. On a eu une nuit entière à voir ce château brûler devant nos yeux. Je me souviens encore être dans une voiture à 50 mètres du château et avoir peu à peu le toit s'effondrer. C'était assez terrible. Mes parents ont fait reconstruire le toit pendant l'hiver.
Il y a eu une grosse tempête qui a rebattu tout.
Il y a eu une bonne année de travaux et ça, c'est, je pense, assez important dans l'histoire du château parce que historiquement, c'était vraiment un château avec une architecture très spécifique qui aujourd'hui a quand même disparue à je pense 50/70%. Le toit est complètement différent et la plupart des pièces ont perdu leurs moulures.
On peut voir ça comme un drame, mais aussi 15 ans plus tard, je réalise que si on n'avait pas eu cet incendie, qu'on n'avait pas eu une nouvelle toiture, qu'on n'avait pas isolé tout le château à cette époque là, je pense que je n'aurais jamais pu monter le projet que j'ai monté actuellement. Et je pense aussi que le Château serait loin d'être aussi confortable. Du coup, ce château est souvent là pour nous rappeler à quel point des drames peuvent aussi devenir des avantages quelques années plus tard, si ,on ne peut pas tout de suite le voir.
En 2000, mes parents ont leur société à l'intérieur du château. Ça marche plutôt bien. Il y a une quinzaine de collaborateurs qui sont là en permanence, donc nous, on grandit dans un lieu qui est aussi un espace de travail. Je pense que ça a été important pour, pour notre identité, parce qu'on est tous devenus accros au travail.
Donc 2000, mon père tombe malade, on lui détecte une tumeur au cerveau. Du coup, le projet professionnel de mes parents en est clairement touché. Pendant trois ans, mon père oscille entre la guérison et une nouvelle tumeur au cerveau. Du coup, à cette époque là, c'est un peu flou, mais il me semble que ma mère recommence à travailler à Paris. Le château devient juste notre maison de famille et mon père, est entre les hôpitaux à Paris et le château.
En 2003, après trois ans de combat contre cette tumeur au cerveau, c'est la maladie qui l'emporte. Et mon père, décède. Nous, avec mes trois frères et sœurs, on est tous plus ou moins au collège ou école primaire. L'idée, c'est que notre mère part vraiment travailler à Paris à temps plein. Notre nourrice emménage au château et nous, on finit notre collège/lycée ici. Et en 2017, j'empoche mon bac et je décide de partir à Lille avec vraiment pleins de mauvais souvenirs autour de ce Château.
Et malgré tout, ma mère décide de vraiment garder le château et de se battre pour le garder. Parce qu'elle considère que c'est notre notre socle familial. C'est ce qui nous rappellera toujours notre père. Mon frère part à Paris, mes petites sœurs passent leur bac et elles partent aussi à Rouen et à Paris.
Aux alentours de 2010, mes sœurs s'en vont aussi. Et donc, ma mère, qui avait fini par revenir dans la région, se retrouve toute seule au château. À cette époque là, j'ai une idée en tête, c'est de repartir en Thaïlande pour ouvrir un centre de bien-être. J'ai été tellement choquée par les hôpitaux blanchâtres et le manque de contact avec la nature, que je me dis que je rêve d'ouvrir un lieu de vie, au mieux la nature où les gens se sentiront bien.
Et en fait, la Thaïlande propose plein d'établissements de ce style et c'est là bas que je vais m'y installer. Et finalement j'ai passé mon master en contrôle de gestion. Je rencontre une expert comptable exceptionnelle qui travaille dans la région et qui me propose de venir faire mon apprentissage avec elle. Donc, je reviens vivre au château, contre toute attente.
Et du coup, le soir avec ma mère, on a ces longues discussions sur le fait que le château est en train de se délabrer de partout, que ça coûte une fortune, qu'on a froid l'hiver ici parce que la chaudière tombe en panne tout le temps et qu'il faut qu'on prenne une décision parce que cette maison est juste en train de manger notre énergie et surtout tout l'argent de ma mère.
À cette époque il y a une sorte d'effervescence autour des gîtes et des chambres d'hôtes, et aussi un dimanche matin je prends un café avec la grand-mère de ma cousine. Nous, on avait décidé de finir par le vendre. On n'arrivait pas à le vendre parce qu'il y avait trop de travaux et que je pense que la bâtisse faisait peur aux visiteurs à ce moment là. Et donc, Marie-France, ce dimanche matin, me dit "je vois toutes les belles demeures du Figaro Magazine et je constate que celles qui ont développé un gîte, une chambre d'hôte à l'intérieur se vendent beaucoup plus rapidement que les autres".
A ce moment là naît la première idée du projet actuel qui est de développer un gîte. Ça a pris plusieurs années parce que le gîte est en 2016. Donc là, on est à peu près en 2010. Mais on commence à se mettre en tête que cette maison de famille, peut être qu'on peut finalement la garder, si on arrive à la rendre autonome.
En 2010, on commence à envisager tout ça. Mais en fait, il faut savoir que personne n'est d'accord que cette idée, au début, elle paraît complètement farfelue pour mes frères et sœurs, et pour ma grand mère qui a cette époque avait fait rénover cette fameuse dépendance qu'on a transformée en gîte au début qui s'appelle "la petite maison".
Donc, commence tout un tas de discussions très compliquées sur l'avenir du château. Et en fait, je pense que oui, 2010/2016. En fait, on peut se dire qu'il avait fallu six ans de discussions et de disputes, on ne va pas se mentir, autour de la destination du château avant de pouvoir passer à l'acte. J'ai des souvenirs de quitter la cuisine, qui est un peu le lieu central gîte dans le château, de quitter la cuisine et de partir prendre un bain pour me débarrasser de toutes ces mauvaises discussions et de me dire un jour.
Toutes ces discussions, nous aurons mené à quelque chose et dix ans plus tard, c'est le cas. Mais moi, je me souviens qu'il fallait vraiment s'accrocher. Je pense que le château était tellement à la fois un lieu qu'on affectionnait tous, mais c'est un lieu qui nous a énormément pesé. C'est aussi l'endroit où mon père est décédé et je pense que le fait de parler de l'avenir de ce château, c'est aussi remuer le passé. En fait, il y a tout un travail vis à vis de chacun des membres de la famille à faire individuellement pour accepter de faire bouger. Je pense, tous les souvenirs, de nettoyer, etc.
Nettoyage, c'est vraiment, je pense que c'était en 2000, de 2010 à 2012. Du coup, je vis ici., je travaille dans cet hôtel en contrôle de gestion et je découvre un livre qui s'appelle "L'art de la simplicité" et qui est écrit par Dominique Loreau qui m'a changé la vie. C'est un livre qui, en fait, relie ton état et ta vie psychique ou spirituelle à l'état de l'intérieur de ta maison. Donc, sur les mots qu'elle a écrit, je commence à entreprendre le nettoyage de fond du château.
Donc, il faut savoir qu'une grande maison comme ça, en fait, tu as l'opportunité de passer ta vie à stocker des choses dedans. Parce qu'en fait, quand on a une petite maison, il y a un moment où, t'as plus de place, tu dois régulièrement trier. Ici, quand tu n'as plus de place dans le salon, tu peux aller passer dans le bureau, tu peux aller dans le grenier, puis entasser dans les chambres d'amis qui ne sont jamais utilisées.
Cette maison était devenue juste un énorme fardeau. De vieux meubles les uns à côté des autres. Et donc, j'entreprends un premier tri. Je pense que c'est à ce moment précis que, finalement, j'ai commencé à me dire ce lieu que tu veux ouvrir, ce lieu au milieu de la nature en Thaïlande, ... que tu veux ouvrir pour prendre soin des gens, peut-être que finalement, il est là. Et bizarrement, j'entretiens une relation bizarre parce que j'ai l'impression que plus je nettoie ce château et plus je nettoie l'histoire de ma famille.
J'ai l'impression que dès qu'une nouvelle pièce est terminée, nos discussions avec la famille avancent plus et j'entreprends tout ça pendant deux ans. Au bout de deux ans, je termine mon contrat d'apprentissage ici.
J'ai une nouvelle dispute avec toute la famille qui m'explique que e n'est pas 20 ans qu'on ouvre des chambres d'hôtes, que ce n'est pas un métier. Et du coup, du jour au lendemain, je pars, je me trouve un job à Paris, dans un hôtel. Le projet est mis de côté et en fait, je me dis que ce n'est pas possible de l'envisager puisque ça créera toujours des problèmes avec tout le monde.
En 2016, ma petite sœur revient. Elle a un mois de vacances, elle arrive au château, et elle décide que la dépendance va être transformée en gîte. Elle décroche un prêt, elle réunit les premiers artisans et les travaux se lancent. En un mois, clé en main, elle lance le projet, que moi sur plusieurs années, j'avais hésité à faire.
Je me posais trop de questions et ça a aussi été un réveil pour moi, un peu un peu difficile à vivre sur le moment. On ne va pas se mentir, mais sur cette capacité à se lancer et à oser transformer les choses et à prendre des risques. C'est aussi le lancement officiel du Petit Château qui à l'époque, est juste un gîte sur Airbnb.
2017, je suis toujours à Paris, je bosse dans la finance et je rencontre régulièrement ma prof de yoga avec qui on déjeune et on commence à envisager l'idée d'organiser une retraite de yoga sur le domaine. Ça commence vraiment à m'obnubiler.
En parallèle à ça, j'ai une amie dont le père travaille sur une société qui loue des domaines pour des mariages. On commence à s'inscrire sur ce site et à louer du coup le parc du Château pour des mariages. Je suis dans une start up, a travailler comme une folle et j'ai plein d'appels sur mon téléphone pour le domaine.
Octobre 2017, je décide que je vais vraiment passer le pas et je me donne deux ans pour transformer le château afin de développer une activité au château. Donc octobre 2017, j'arrive au château sans vraiment réfléchir au fait que j'arrive juste avant l'hiver en Normandie. Je ne connais plus personne dans la région.
Je rédige mon business plan. Je vais voir le banquier, j'obtiens le prêt, la veille de Noël 2017. Le jour où le banquier m'appelle pour me dire que le prix est accepté, je fond en larmes parce que je pense que j'ai trop peur à cette époque là. Je démarre des travaux, au rez-de-jardin du château qui à ce moment, est complètement abîmé. Je décide de transformer la salle, ce qu'on appelle une salle polyvalente, c'est une salle dans laquelle on va pouvoir organiser tout type d'événements.
Et je pense que ça fait partie des pires souvenirs de ma vie et à la fois des meilleurs, parce que c'était plein d'émotions. Mais en entreprenant ces énormes travaux au rez-de-jardin du château que peu à peu, je me rends compte que l'on ne peut pas entreprendre des gros travaux dans un domaine historique, même s'il est jeune il est quand même chargé d'histoire, sans chercher à comprendre plus en profondeur l'histoire de ce château.
Et c'est vraiment toute une série de signes. Il y en a un qui fait que moi, je peux appeler ça signe, mais en fait, c'est clairement un énorme caillou qui s'est imposé à moi pendant les travaux. En fait, on a une suspicion de marnières. Je vais vous expliquer ce que c'est. C'est juste que c'est tombé du ciel en plein milieu des travaux et qui a complètement remis en question l'ensemble du projet alors que j'avais déjà entamé les travaux, que j'avis déjà engagé tous les artisans.
Et donc en fait, une suspicion de marnières c'est un courrier qui date de 1870 qui est retrouvé lors d'une enquête sur les archives de la mairie de Palluel, où se situe le petit château. Cette enquête permet de retrouver un document qui est une lettre échangée par le propriétaire du domaine à l'époque, donc celui qui a fait construire le château et le maire du village qui lui demande de déclarer la marnière qu'il exploite sur le domaine Marnières. C'est une poche de vide à 40 mètres sous le sol et dans lequel on exploitait la marne qui était dans cette marnières, en fait. 150 ans après leurs exploitations, elles sont devenus de véritables dangers en Normandie. Après d'énormes pluies, elles peuvent à tout moment s'effondrer et provoquer d'énormes dégâts.
J'apprends au milieu de ces travaux que j'ai ces suspicions là. Et en fait, ça a été un véritable enfer parce que du coup, on a dû faire d'énormes travaux avant les mariages qui avaient été signés, etc. Enfin, je passe les détails les plus stressantes sur toute cette histoire parce que vous vous retrouvez face à des responsabilités de sécurité et en fait, vous vous rendez compte que vous n'êtes pas dans les clous et c'est juste hyper lourd à porter.
Mais toujours est il que c'est cette histoire qui a fait que j'ai découvert le nom du constructeur du château, que j'ai commencé à m'intéresser à l'histoire de cette famille, à l'histoire de la région. Et en fait, même si je vivrais pour rien au monde en ce moment, c'est quand même là que j'ai le sentiment de m'être approprié l'histoire du château, de cette famille de drapiers qui avait son petit relais de chasse tout le weekend et qui a décidé de venir investir dans une ferme et d'y faire construire une maison de maître sur un domaine qui, potentiellement, serait un clos masure.
Et voilà les clos masures, je vous invite à aller voir un petit peu. C'est un peu l'ancêtre de la permaculture. En allant rechercher l'histoire, en comprenant l'histoire du château, on a été vachement impliqués dans la volonté de rester dans cette même lignée. Et c'est un peu à ce moment là que je me suis dit que s'il ne s'agissait pas juste de développer le petit château, mais aussi de reprendre son domaine et d'y replanter un verger comme il existait il y a 150 ans, de recréer un potager.
Je pense que les aléas de toutes ces histoires nous ont permis de créer notre propre histoire dans la continuité du château. Et je pense que c'est quelque chose que tous les propriétaires de château comprennent et ressentent. Qui peut paraître peut être un peu un peu fou pour d'autres, mis on n'est pas dans des murs qui ont appartenu à d'autres personnes. Et si on ne respecte pas cette histoire, le quotidien vous fait très vite comprendre que ce n'est pas vous qui décidez du devenir de cette grande bâtisse qui appartient à beaucoup de gens.
Voilà donc le début des travaux. Autant vous dire que ça a été une période plus que compliquée. Une course contre la montre, en fait. Voilà vous contractez un emprunt, signez des contrats avec des clients à un an à l'avance ... Du coup, il faut juste assurer le fait que tous se coordonnent et que la trésorerie rentre en même temps.
En 2018, les premiers mariages ont lieu. Ça se passe super bien. Fin de l'été 2018, je suis HS. Du coup, j'ai décidé d'aller faire une retraite de yoga sur trois jours. Je rencontre un prof exceptionnel que j'invite à venir organiser une retraite au petit château.
Cette première retraite aura lieu en avril 2019. Je sors de l'hiver, la première année a été hyper compliquée. Je me revois en train d'aller chercher ce professeur de yoga et lui dire qu'en fait, c'était le projet de mes rêves. Mais ce projet est en train de m'user et je le revois toujours en train de me dire "Tu crois posséder un château ? Et c'est le château qui te possède".
À ce moment là, mon frère et sa femme, qui étaient installés à l'étranger en train d'essayer de développer un domaine en permaculture, décide de venir s'installer au château et de venir prendre le projet avec moi. Ils sont restés une petite année.
Mon frère a justement développé tout ce côté permaculture du château en plantant des légumes, en plantant des arbres fruitiers. Il a fait un travail exceptionnel et son deuxième volet dans le projet, c'est de développer une cuisine qui est reliée au jardin. Et les choses ne se passent pas exactement comme prévu. La femme de mon frère tombe enceinte à ce moment là. On a énormément de projets de développement du château, mais on a encore énormément de mal à apporter suffisamment d'argent et de clients pour pouvoir financer tous ces projets. Donc, on a clairement un problème de trésorerie et de salaires qui se posent à nous.
Et donc en octobre 2019, mon frère et sa femme repartent vivre à l'étranger et moi, je me retrouve de nouveau toute seule à gérer le projet. Je décide, au moment où mon frère s'en va, que je ne vivrai plus seul ici et que je ne jouerai plus ce projet toute seule. En fait, c'est à ce moment là que le château possède, mais il vaut mieux être plusieurs le château. C'est un peu comme si j'avais remisé en passant à l'étape supérieure, c'est à dire on va enfin, je vais me dégager un salaire, je vais former une équipe autour des projets.
J'embauche un jardinier exceptionnel et une de mes meilleures amies d'enfance décide de venir me rejoindre pour reprendre le projet du jardin. Et potentiellement, celui de la cuisine. On passe l'hiver tous les trois. Les mariages se développent, l'activité séminaires se développe et contre toute attente, ces retraites de yoga qui au début étaient plus un sujet passion, deviennent et représentent aujourd'hui pratiquement la moitié de mon chiffre d'affaires.
Et ça, c'est une fierté absolue. Et surtout que finalement, quand on y pense, ces retraites de yoga viennent rejoindre mon projet initial, qui est d'offrir un lieu qui va un peu vite guérir les gens, même si on n'est pas dans la thérapie. Mais quand même, on sent que ces retraites de yoga sont un vrai moment d'ancrages et de ressourcement pour les participants.
Et aujourd'hui, covid oblige, tous les mariages ont été annulés cette année. Cet été, on s'est réinventé. J'ai l'impression qu'on a recréé une nouvelle entreprise. On a décidé qu'on allait vraiment s'inscrire dans le territoire parce que finalement, tous les produits, quand tous les services qu'on propose, sont uniquement à destination des gens qui viennent de l'extérieur.
Et en fait, on n'est pas du tout ancré dans un territoire. Donc, on s'est vachement rapproché de la mairie et on a créé des événements à destination de la population locale avec une nouvelle volonté à la fois de devenir un lieu d'accueil pour les habitants du coin et aussi, peut être encore plus, un lieu de rencontre entre des gens venus de l'extérieur de la région et la population locale.
Aujourd'hui, si j'essaie de tracer un bilan, je pense que j'ai été à la fois dépassée en cherchant à m'adapter aux contraintes imposées par le château, par l'argent et plein de choses. Je me rends compte que le projet actuel ressemble énormément à ce que j'aurais voulu faire dans cette autre vie en Thaïlande et je suis assez curieuse et hyper ouverte de connaître ce que ma famille va vouloir apporter et comment ce projet va évoluer, sachant que je pense que la seule règle qui continuera à régir nos décisions, c'est que justement, ce château ne nous possède plus, mais ensemble, qu'une sorte d'intelligence collective se crée pour continuer à faire vivre ce château et qu'il épanouisse autant ses clients, que ses fondateurs.
La vie de château - Conclusion
Merci pour tous vos commentaires à propos du premier épisode.
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Je vous ai dit dans l'introduction que nous reparlerons du livre "L'art de la simplicité" de Dominique Loreau, qui est présenté comme un des ouvrages majeurs dans l'évolution de sa relation avec le château et sa famille. Si vous voulez l'acheter, passez par mon site, ça me ferait plaisir.
Après le premier épisode, vous avez été nombreux à me demander des photos du château de Beaumont. Bonne idée. Je vous propose donc sur mon site internet laviedechâteau.info. Et bien sûr, vous y retrouverez aussi celle du Petit Château de Conteville.
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Et bien sûr, pour les utilisateurs d'Apple Podcasts, les deux minutes que vous prendrez pour écrire un petit avis m'apporteront une grande joie.
À très vite.
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